“This is what FAT looks like.”

Si la blogueuse Kate Harding était designer de t-shirts, c’est sans doute le slogan qu’elle y ferait inscrire. Cette cybermilitante américaine est à l’avant-scène du mouvement pour l’acceptation des grosses personnes. Pourtant, une recherche Google rapide vous ferait voir qu’elle n’est « pas si grosse que ça », ou du moins que sa silhouette ne correspond pas celle des personnes obèsesmorbidesOMG à qui on coupe la tête dans les reportages sur la malbouffe. Alors pourquoi s’affiche-t-elle fièrement comme une fat feminist ? Parce qu’elle souhaite déstigmatiser le terme « fat » et le dissocier des concepts qu’on y rattache normalement : laideur, paresse, ignorance, manque de style, négligence et même… *roulement de tambour*… mauvaise santé.

Le mouvement pour l’acceptation de la grosseur prône avant tout le respect des personnes – quelle que soit leur forme. Ce n’est pas en excluant, en discriminant ou en embarrassant les personnes grosses qu’on les amènera à devenir plus minces.

Il défend également la thèse de la santé à n’importe quelle taille (Health at Every Size), jugeant d’une dangereuse simplicité l’équation minceur = santé et rejetant la panique morale autour de l’épidémiedobésitéOMG. En effet, personne à ce jour n’a réussi à prouver que les personnes grosses faisaient moins d’exercice et mangeaient plus mal que les personnes minces.

La mauvaise nutrition et la sédentarité créent des problèmes de santé CHEZ LES PERSONNES DE TOUTES TAILLES. Utiliser le poids comme mesure ultime de la santé d’une personne est donc problématique. De nombreux facteurs ont une influence sur la santé : l’activité physique, l’estime de soi, la qualité des aliments consommés, le tabagisme… De plus, beaucoup d’études viennent contredire les mythes sur la grosseur. En effet, on a découvert que les personnes grosses vivaient plus longtemps que les personnes minces et étaient plus susceptibles de survivre à des traumatismes cardiaques. Le tissu adipeux permettrait aussi de prévenir entre autres le cancer, les maladies pulmonaires, l’ostéoporose, l’arthrite et… le diabète de type 2! Bref, pas que nous ayons tous à devenir gros pour être davantage en santé (de toutes façons, notre shape est plus souvent qu’autrement génétique et impossible à changer), mais il vaut la peine de faire usage de notre sens critique et de questionner les idées reçues sur la grosseur.

Finalement, le mouvement pour l’acceptation de la grosseur rejette la culture des régimes et « le fantasme d’être mince ». Il déclare que les diètes ne marchent pas, même si on les déguise en « changement d’habitudes de vie » à la Weight Watchers. En effet, il a été prouvé que plus des 2/3 d’entre elles se soldent inévitablement par une reprise du poids perdu au bout de 5 ans ou moins. Puis, une amélioration de la santé globale ne se traduit pas nécessairement par une perte de poids. Le fat acceptance encourage tout le monde – et particulièrement les femmes – à se défaire de leurs complexes, à éliminer leur rapport tordu à la nourriture (voir le billet d’Edenne à ce sujet) et à faire taire cette petite voix qui répète sans cesse « Ah! Tout ce que je pourrais faire si j’avais 5/10/20/50 livres en moins… » Il nous appelle à être la personne que nous voulons être dès aujourd’hui. On peut être GROSSE et sexy, GROSSE avec une carrière excitante, GROSSE et active… Aucune raison de s’excuser d’exister, peu importe notre taille.

Je connais ce mouvement depuis longtemps, mais ce n’est qu’au cours des dernières semaines que j’ai commencé à m’y identifier davantage. Parce que je ne voulais pas me dire « grosse », même si je suis à une vingtaine de livres de mon « poids santé » depuis l’adolescence. La grosseur dans ma tête, c’était pouache. C’était moche. Même les euphémismes ridicules comme « ronde » ou « enrobée » n’étaient pas assez soft à mon goût. Et j’entretenais toujours ce rêve de peser 145 lbs un jour, ce jour où mon existence allait être transformée comme par magie. Je deviendrais soudainement The Life of The Party, hyper-sociable, d’un humour incroyablement spirituel, raffinée… J’ai DÉJÀ le droit d’être toutes ces choses, peu importe ma taille. Mais j’ai aussi le droit de NE PAS correspondre à cet idéal de fille parfaite. Grosse ou mince, j’ai le droit de me faire un marathon Six Feet Under un vendredi soir, j’ai le droit d’être plate, j’ai le droit de manger des brownies. FUCK LA DICTATURE DU POIDS. Je vais vivre la vie que je veux et prendre soin de ma santé, tout simplement.

De moi. C’est de ça que ça a l’air, une grosse.

Liens :
Shapely Prose, le blogue de Kate Harding
The F-Word (food. fat. feminism.), autre blogue américain
Féminisme et oppression de la grosseur, article publié par le Réseau d’action québécois pour la santé des femmes
Coalition Corps-Accord, une initiative québécoise faisant la promotion du bien-être global des femmes de tous les poids

20 Comments

  • Marie-Anne
    24 novembre 2009

    YÉ ! Parle-moi de ça ! Chouette article, très bon sujet à développer encore et encore !

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  • Marie J.M.
    24 novembre 2009

    Article très intéressant.

    Personnellement, je n’ai jamais compris pourquoi on considérait normal que les gens soient différents naturellement en hauteur, mais que l’on ne conçoive pas qu’il puisse y avoir naturellement des différences en largeur. On leur demande de changer de taille…

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  • aurélie
    25 novembre 2009

    Je comprends la difficulté d’être en surpoids même si je ne l’ai jamais vécu moi-même. Pour autant, rien ne peut forcer les gens à « apprécier » plus les gros qu’ils n’apprécieraient par ailleurs les petits, les grands, les beaux, les laids, les bruns, les blonds, les roux ou que sais-je encore.

    Ce débat sur le diffrénces et récurrent mais force est de constater qu’il butte inévitablement sur la force des goûts personnels.

    Sommes-nous par exemple condamnables quand nous ne voulons pas emtamer une relation avec quelqu’un au motif que son physique ne nous plaît pas ? NON bien sûr ! Pourtant c’est probablement quelqu’un de fort sympathique.

    Lors d’un recrutement professionnel, sommes-nous condamnables si entre deux candidats ayant les mêmes compétences nous choisissons celui qui nous plaît davantage au regard, celui par exemple qui sourira agréablement tandis que l’autre nous présentera un visage fermé ? NON.

    Dans la limite ou nous respectons la dignité de tout le monde, sommes-nous obligés d’avoir les mêmes égards courtois envers tout le monde ? NON.

    Cela me semble un débat sans fin tant l’objectivité domine en la matière et qu’il me semble impossible de trouver une réponde et des attitudes définitives.

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  • aurélie
    25 novembre 2009

    Pardon, je voulais dire  » Cela me semble un débat sans fin tant LA SUBJECTIVITE domine en la matière… »

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  • Marie-Hélène
    25 novembre 2009

    Grosses ou minces, toutes les personnes devraient pouvoir faire ce dont elles ont envie sans que le regard qu’on jette sur elles soit différent pour cela. En effet, pourquoi serait-ce acceptable de dire en parlant d’une personne: On le sait bien, elle est grosse… On n’accepte plus de se farie dire On sait bien c’est une femme, une lesbienne, une Noire, une pauvre, etc. pourquoi accepter qu’on distingue/discrimine/se moque des gens sur un aspect de leur personne qu’ils sont obligés de montrer à tous?

    @Aurelie
    J’ose espérer qu’à compétences égales, vous choisiriez la personne qui a la personnalité la plus pétillante, le leadership le plus grand et les meilleures habiletés organisationnelles plutôt que de choisir celle dont l’apparence vous plait le plus. Il me semble que ce serait bien plus juste.

    Par ailleurs, pour reprendre votre argument sur les relations de couple, effectivement nous avons tous le droit de choisir notre/nos partenaire/s.

    Par contre, je ne crois pas qu’il soit juste de ne cesser de remettre sur le tapis le poids d’une personne, plus particulièrement celui de purs inconnus ce que certains ne s’empêchent aucunement de faire. Il serait aussi injuste de décider des qualités personnelles d’une personne en raison de son apparence. De ce que je comprends du FAT ACCEPTANCE, leurs revendications concernent plus ces injustices et cet illogisme qui fait qu’on juge de la santé des gens sur leur apparence. Il ne s’agit donc pas d’une question d’appréciation, mais d’une question de respect et d’équité fondamentale.

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  • Caroline L,
    25 novembre 2009

    Merci Marie-Elaine pour le lien.
    Les femmes présentées dans le diaporama sont belles parce qu’elles semblent se sentir bien dans leur corps, et n’est-ce pas le plus important?
    Cet article me fait penser à la série télé Mad Men, au personnage de Joan et à son interprète Christina Hendricks, à la transformation du regard des gens envers les personnes ayant un surplus de poids selon IMC. Christina Hendricks est ronde, elle a des forme, et elles les assume. Son personnage de Joan représente l’idéal féminin de cette époque.
    Je me demande où cette représentation a dévié vers les femmes anorexiques qu’on nous présente comme la normalité à atteindre. Est-ce à l’arrivée de Twiggy?

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  • Edenne
    25 novembre 2009

    Wow. Je suis soufflée par cet article, qui brillait par son absence malgré le contenu impeccable du blog Jesuisfeministe.com !

    J’adore en apprendre davantage sur le FAT acceptance mouvement, c’est tellement inspirant et positif. Loin de promouvoir une taille unique (mince ou grosse), il fait la promotion de la diversité et de l’acception de soi. Ce dernier élément est malheureusement bien souvent mis à mal dans une société ou l’apparence fait vendre, rêver, ou même pleurer.

    En parallèle, j’applaudis l’appellation « Fat Feminist » (du moins, lorsque ce sont les Fat Feminists qui l’utilisent à leur avantage.) Ça me rappelle la récupération du terme « Bitch » par le magazine états-unien du même nom. Si la théorie de l’intersectionnalité vous intéresse ou simplement la problématique de la double, voire de la triple discrimination, je vous invite à mettre la main sur le magazine britannique DIVA, où on y présentait des femmes… féministes, grosses et lesbiennes! Vive la diversité!

    À bas la dictature du poids!

    +++

    * Je vous invite à célébrer la « No Fat Talk Week » en 2010.
    http://www.cyberpresse.ca/opinions/chroniqueurs/marie-claude-lortie/200910/23/01-914196-ne-parlons-pas-de-poids.php

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  • Valérie
    26 novembre 2009

    Oui, chapeau aux grosses féministes lesbiennes. Souvent, quand je parle de féminisme, on me dit un truc du genre  »oui mais les grosses féministes lesbiennes frustrées… » Comme si pour être une féministe crédible, il fallait fitter dans un certain standard. Ce type de commentaire est fréquent dans l’espace public. C’est complètement dégeulasse.

    Je travaille présentement sur une série d’articles portant sur le choi radio x et le Dreamteam.

    « Y’a des féministes qui ont raison de se défendre avec de bons arguments.Y’en a d’autres par-contre que tu vois que c’est de la frustration. J’ai rarement vu une féministe qui avait tout le potentiel pour faire ce genre de photos là, attirantes, sexy et tout. Les féministes qui crient haut et fort sur la place publique j’aurais pas l’goût de faire des photos avec elles, la plupart du temps » Luc Desliles, photographe.

    Oui, ça devient frustrant de toujours entendre de telles niaiseries.

    Vive la diversité et les gens bien dans leur corps. Et compatissons avec ceux et celles qui ne le sont pas.

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  • Stéphanie
    26 novembre 2009

    En France, l’ex star du porno Clara Morgane a accepté d’être porte-parole pour une campagne contre le viol, campagne organisée par le Collectif féministe contre le viol. Je suis sûre que la majorité des hommes seraient ravis de faire des photos avec Mme Morgane…

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  • Imace
    26 novembre 2009

    @ Stephanie : mais encore ?
    Vos quatre lignes ne permettent pas de situer votre réaction face à cette annonce…

    Ce n’est pas le sujet de l’article, mais la pornographie ne me semble pas être un bon angle d’approche pour aborder le sujet du viol. Je trouve – si l’information s’avère exacte – qu’on aurait pu trouver une porte-parole plus adéquate.

    Sinon, questionnement gratuit : d’un côté le fait de se déclarer ‘grosse’ permet de déstigmatiser le terme ; mais n’y a-t-il pas un effet pervers qui reviendrait à baisser les standards de l’obésité ? Comme ces féministes qui se déclarent « mauvaise mère » juste parce qu’elles n’allaitent pas, poursuivent une carrière, etc. Que ressentent les personnes qui ont des ‘problèmes’ qui vont bien au-delà, les personnes véritablement obèses ou les mères junkies, par exemple ? N’existe-il pas un risque qu’elles ressentent ces initiatives comme de la dérision face à leurs problèmes, voire une appropriation illégitime ? Ne se sentiront-elles pas encore plus mal dès lors qu’une personne qu’elles jugent mince se déclare grosse ?

    Je n’ai pas de position tranchée sur cette question. Mais il me semble qu’elle revient souvent, chaque fois qu’on cherche à se solidariser / déstigmatiser un terme en se l’appropriant (ex : ‘on est tous bisexuel-les’… Le slogan me plaît, mais je suis sûre qu’il ulcère certain-es homosexuel-les). Alors je serai curieuse de savoir ce que vous, vous en pensez.

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  • Stéphanie
    26 novembre 2009

    Oh, je faisais juste un pettie boutade aux hommes qui croient que les féministes et celles qui gravitent autour, même momentanément, sont obligatoirement « laides » et « grosses ».

    Je ne dis pas que j’aurais choisi spontanément une ex-actrice porno pour cette campagne. Je suis opposée à la pornographie (que je ne confonds pas avec l’érotisme) mais je crois possible qu’une actrice porno puisse être précoccupée par la problématique de la violence sexuelle.

    Je crois comme vous que le fait de s’étiquetter spontanément « grosse » dès qu’on ne ne correspond pas à la taille mannequin ou « mère indigne » dès qu’on donne un biberon peut faire vivre un sentiment d’échec aux femmes souffrant vraiment d’un problème de poids ou ayant de réelles difficultés parentales.

    Je comprends qu’à l’origine de cette utilisation de mots habituellement insultants, il y a une volonté de réappropriation et aussi une volonté d’utiliser l’humour.

    On devrait peur-être revendiquer tout simplement le droit d’être imparfaites!

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  • aurélie
    27 novembre 2009

    @Marie-hélène

    Quand vous dites  » J’ose espérer qu’à compétences égales, vous choisiriez la personne qui a la personnalité la plus pétillante, le leadership le plus grand et les meilleures habiletés organisationnelles … » il me semble que vous ne citez là que des aspects que je considère comme faisant partie des compétences auxquelles je faisais allusion.

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  • aurélie
    27 novembre 2009

    @ Stéphanie

    Même sur le ton de la plaisanterie, vous exemple concernant Clara Morgane défendant la cause de la lutte contre les violences faites aux femmes est pour le moins incongru.

    En se lançant dans le porno, Clara Morgane a cautionné pendant sa carrière l’image de la femme véhiculée par ce milieu notamment par la mise en scène de situations de soummissions, de servitudes sexuelles et surtout de viols ou de scènes où les rapports forcés sont à peine suggérés.

    Elle a le droit d’être ou d’avoir été actrice de porno mails il ne faudrait pas nous faire passer des vessies pour des lanternes non plus.

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  • aurélie
    27 novembre 2009

    @ Marie-Elaine

    vous dites : « … Nous luttons après tout pour la même chose: la fin de la discrimination basée sur la taille et de la grossophobie … »

    et les discriminations basées sur d’autres aspects du physique (laideur, handicap ..) on en fait quoi ???

    Je crois sincèrement que la cause est noble mais désespérée pour la simple et bonne raison que nous sommes toutes et tous bourreaux et victimes en ce domaine.

    Je ne connais personne qui n’ait rejeté un jour ou l’autre une personne à cause de son physique à commencer dans le domaine amoureux comme je le disais précédemment.

    J’ai par exemple une amie plutôt grosse (c’est elle qui se qualifie ainsi) qui n’aime absolument pas les hommes gros, c’est dire si le chemin est long et probablement sans issue sauf à penser qu’on intsaure partout des quotas de gros, de maigres, de petits, de grands, de laids, de beaux, de blonds, de roux …

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  • Marie-Hélène
    27 novembre 2009

    @Aurélie:
    Étant donné ce que vous aviez écrit, j’en avais déduit que les compétences dont vous parliez étaient en terme de formation. À mon sens, il est en effet impossible que deux personnes aient exactement la même personnalité et les mêmes aptitudes sociales en plus des mêmes compétences… De plus, le sourire ne fait pas partie de l’apparence physique de quelqu’un. Bref, je crois qu’à moins de créer une situation hautement improbable où vous vous forcez à justifier le recours à l’apparence pour baser votre critère, vous pourriez facilement choisir votre employée selon ses goûts, ses intérêts, sa façon de se présenter ou ses projets…

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  • Geneviève FC
    30 août 2010

    Marie-Élaine : merci pour cet article sincère et nécessaire !

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