Céline Galipeau est un quota

J’ai eu la chance d’assister, la fin de semaine dernière, au colloque « Démocratie et gouvernance : citoyennes recherchées » organisé par le groupe Femmes, politique et démocratie. Dans sa conférence d’ouverture, la cheffe d’antenne Céline Galipeau y est allée d’une déclaration choc: elle est un quota! Embauchée il y a plus de 25 ans par une société Radio-Canada qui souhaitait féminiser son image, elle a fait partie d’un groupe de jeunes (et jolies) femmes qui ont pris la place de journalistes masculins chevronnés. Elle ne cache pas qu’elle n’avait à ce moment ni l’expérience ni les qualifications pour occuper ce prestigieux poste. Je vous laisse juge de ce qui en est aujourd’hui.

Qu’on parle de les imposer aux partis politiques ou aux conseils d’administrations des sociétés d’État, les quotas et la discrimination positive pour les femmes soulèvent toujours une levée de bouclier. Celle-ci vient souvent des femmes elles-mêmes qui souhaitent, et c’est compréhensible, être reconnues pour leurs compétences plus que pour leur genre. Je comprends et partage cette réticence. Sauf que…

Les pays dont les gouvernements sont paritaires (ils sont peu nombreux) n’y sont, dans aucun cas, arrivés sans des mesures législatives. Le « laisser-faire » ne semble pas fonctionner. Depuis 20 ans, les diplômés universitaires sont en majorité des femmes et pourtant les postes de pouvoir sont encore largement occupés par des hommes. C’est vrai en politique, mais aussi dans le monde des affaires : si les cheffes d’entreprises sont présentes au niveau des petites et moyennes entreprises (une PME sur trois est dirigée par une femme au Québec), sur les 1000 entreprises canadiennes cotées en bourse, seulement 21 sont dirigées par des femmes.

Si Céline Galipeau n’avait pas été engagée parce qu’elle est une femme il y a 25 ans, elle ne serait probablement pas cheffe d’antenne aujourd’hui. Est-ce un passage obligé? Cela donne à réfléchir, non?

7 Comments

  • Marie-Andrée
    24 novembre 2010

    Valérie,

    L’affirmation de Madame Galipeau ne m’étonne pas du tout…

    N’ayant pas pu assister moi-même au colloque, je ne peux me prononcer sur son contenu. Néanmoins, j’ai récemment lu un texte de Chantal Maillé (prof de science-politique à Concordia) dans lequel elle affirme que la participation politique des femmes aux institutions politiques de la démocratie libérale représentative va à l’encontre des idéaux féministes. Selon Maillé, la représentation est traversée de relations hiérarchiques et sous-entend de déléguer son pouvoir à autrui. L’auteure avance que la démocratie participative est beaucoup plus près des idéaux féministes, car elle permet à chaque personne de participer au processus de prise de décision et de s’inscrire dans un dialogue ouvert, plutôt que de déléguer son pouvoir de décision et d’action à des institutions étatiques patriarcales et hiérarchiques.

    Maillé dénonce aussi le fait que la « représentation politique des femmes », comprise comme ne pouvant s’inscrire qu’à l’intérieur de ces mêmes institutions, participe à les légitimer et à les reproduire.

    Je lance donc la question aux lectrices de ce blog : pensez-vous que la participation politique des femmes peut réformer les institutions politiques ? Ou croyez-vous plutôt que des institutions reposant sur des fondements patriarcaux doivent être entièrement repensées/réformées ? Ou encore que la participation politique des femmes entraînera certainement les changements sociaux et institutionnels escomptés ?

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  • Martin Dufresne
    28 novembre 2010

    Si le « laissez-faire » ne fonctionne pas comme voie d’accès à une représentation équilibrée des politiciennes ou des journalistes, c’ets peut-être parce que ce n’en absolument pas la règle du jeu.
    Les communautés comme la politique et les médias – deux vases de plus en plus communiquants – ne sont pas le terrain uni et égal que suggère le libéralisme. Le machisme y pèse très lourd, et les femmes y sont, soit tenues pour non crédibles, soit confrontées à de la misogynie explicite quand c’est opportun pour certains. Des femmes journalistes de toute première classe ont été traitées comme de la m… par leurs collègues au Québec (lire la biographie de Judith Jasmin, par Colette Beauchamp, et un autre livre de la même auteure: « Le silence des medias: Les femmes, les hommes et l’information »).
    En politique, il n’y a qu’à voir le mépris dont on continue à abreuver ouvertement Mme Pauline Marois, malgré sa compétence avérée pour comprendre que les hommes résistent bec et ongles à laisser du pouvoir aux femmes.

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  • Mélanie
    3 décembre 2010

    Excellente question Marie-Andrée !!!

    Si on prend l’enseignement, profession de femmes surtout au niveau primaire et de plus en plus au secondaire, la recherche montre qu’on améliore pas les résultats scolaires des garçons en les remplaçant les professeurs par des hommes modèles masculins.

    Vous me faites faire le lien à l’effet qu’en politique, qu’on ait Monique Jérôme-Forget ou Raymond Bachant, est-ce que ça change quelque chose à l’appareil politique ??? hihi poser la question c’est y répondre.

    Qu’on soit homme ou femme, on est plongé dans une culture institutionnelle aux rouages complexes et normés à l’extrême. Un homme ne fait pas mieux qu’une femme, en tout cas pas sur les résultats scolaire des élèves, car en éducation, on utilise les mêmes méthodes, de la même façon. La structure empêche l’arrivée de très nombreux changements…

    Si le sexe de l’enseignant est une variable négligeable en éducation, (la qualité de l’enseignement étant la variable la plus importante) pourquoi serait-ce autrement en politique, surtout si les femmes évoluent dans les structures mises en place par des hommes ? EXCELLENTE question!

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  • Martin Dufresne
    3 décembre 2010

    Les femmes ne feraient pas nécessairement différemment, mais elles y seraient… alors qu’elles sont présentement majoritairement tenues à distance du pouvoir. Elles n’ont pas à donner de preuves de vertu supérieure pour avoir simplement leur place dans les postes de décision… ou pour qu’on explore franchement les pressions et doubles standards qui les en écartent.

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  • Stéphanie
    5 décembre 2010

    Ne trouvez-vous pas particulier que les hommes qui évoquent la nature des femmes pour expliquer que plusieurs d’entre elles soient peu intéressées par les emplois traditionnellement masculins soient les mêmes qui expliquent la désertion de l’enseignement au primaire par les hommes (pas tous évidemment) par une sombre machination féministe pour la domination du domaine de l’enseignement?

    Je ne suis pas du genre à dire que s’il y a peu de représentants d’un sexe dans un domaine, c’est à cause d’une aversion naturelle mais si certaines hommes veulent utiliser ce genre d’argument, qu’ils le fassent pour les deux sexes et pas seulement pour les femmes! Ce n’est pas la nature pour les unes et la discrimination pour les autres.

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