Trois Prix Nobel de la Paix à Ottawa

On se rend parfois compte dans la vie qu’on est bien peu de choses. Cela m’est arrivé hier matin, quand je me suis retrouvée dans la même pièce que trois femmes récipiendaires du prix Nobel de la paix. Mes minces réalisations m’ont parues pas mal moins « hot » devant Shirin Ebadi, récipiendaire en 2003 pour son travail d’avocate en Iran, Jody Williams, qui l’a reçu en 1997 pour son engagement dans la cause des mines antipersonnelles, et Maigread Maguire, récipiendaire 1976 pour son engagement pacifique en Irlande du Nord (elle avait alors 32 ans!). Bien peu de choses, en effet, quand on se compare à de telles femmes.

Ces prestigieuses invitées font partie de l’initiative des Femmes Nobélisées (Nobel’s women initiative) pour éveiller les consciences et mettre fin aux violences sexuelles en temps de guerre. Elles ne veulent rien de moins que mettre ce problème de l’avant, comme on l’a fait avec les mines antipersonnelles. Évidemment, le sujet est plus délicat et se trouver des champions (nes) dans les parlements du monde n’est pas une mince tâche.

Le viol est une arme de guerre et il doit être jugé comme tel. En 2010, le Tribunal pénal international pour le Rwanda  a déposé des accusations envers 35 personnes pour crimes sexuels dans le cadre du génocide de 1994, alors que le nombre de viols commis au cours de ce conflit est estimé entre 250 000 et 500 000. Cela n’empêche pas les viols de continuer de se produire en République Démocratique du Congo, au rythme (estimé) de 1 152 viols par jour.  L’Histoire nous dira si les criminels seront jugés en conséquence, mais permettez-moi d’en douter.

D’un point de vue militaire, le viol est pratiqué comme une forme de torture et d’humiliation, à la fois pour la femme mais pour son époux et ses enfants, souvent forcés d’y assister.  On veut ainsi démoraliser l’adversaire mais aussi inséminer les femmes de ces « enfants de la haine », qui assureront par leur seule existence un rappel constant de l’humiliation subie. Les femmes qui garderont (ont-elles le choix?) ces enfants seront mises au ban de leur communauté, fragilisant encore plus la structure sociale et mettant en péril la reconstruction. Cela n’a pas empêché le Vatican de dénoncer la distribution de pilules du lendemain dans les camps de réfugiés kosovars, au début des années 90.

Tout récemment, au Darfour, il a été rapporté que les hommes laissaient les femmes sortir du camp de réfugiés à leur place pour chercher à manger parce qu’elles ne se feraient « que » violer, alors que les hommes, eux, seraient tués.

Les trois « nobélisées » ont demandé au Canada d’agir, et non seulement de condamner sur papier. Il faut s’assurer que les bonnes intentions soient suivies d’actions, rappellent-elles. Elles ont rappelé d’ailleurs que le Canada abrite plusieurs criminels de guerre recherchés…

Bref, un enjeu majeur, dont on n’a pas fini de parler, heureusement.

Source: Ottawa Citizen

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