« Allô la police! »

La blague s’arrêtera ici.

Nous sommes dans une démocratie où la liberté de manifester prévaut sur le code de la sécurité routière. Mais comment faire lorsqu’une centaine de manifestants se retrouvent encerclés par des policiers, sous prétexte d’entrave à la circulation, et ne peuvent rien faire d’autre qu’attendre, parqués comme des vaches au milieu de la chaussée, n’ayant rien d’autre à brouter que leur indignation et leur incompréhension, dans le froid, sachant très bien leur droits bafoués, mais ne pouvant pour autant agir : n’être plus libre de ses actions, momentanément. On appelle qui lorsqu’on est victime d’un crime? La police! Et on appelle qui lorsqu’on est victime de la police?!

L’absurdité est telle que, arrêtés pour avoir entravé la circulation, chose que nous n’aurions faite que pour quelques minutes maximum, cette arrestation aura entravé la circulation pour plus de deux heures, car nous étions encerclés en plein milieu de la Grande-Allée. Chapeau!

Mon constat: À Québec l’après-midi du 27 avril 2012, pour la manif féministe contre la hausse des droits de scolarité, il y a eu clairement un abus de pouvoir. Nous étions 100-150 personnes environ, on s’est fait encercler après disons 20 minutes de marche, deux minutes sur la Grande-Allée et puis paf! Nous n’étions pas nombreux, autant de gars que de filles, toutes générations confondues, donc facile de nous encercler. Était-ce prémédité? Pourquoi avoir mobilisé autant de policiers pour un petit événement? Les policiers de Québec ont-ils fait excès de vanité face à leurs collègues de Montréal, voulant eux aussi de l’action? Sincèrement, c’était lamentable.

Nous avons donc été contraints à attendre debout dans le froid et l’indignation muette, pris un à un pour être emmenés plus loin, au panier à salade se faire identifier (ça aura pris 2 heures pour identifier tout le monde), ensuite emmenés au poste à Limoilou, encore de l’attente car re-identification de chacun, un à la fois dans des chars de police pour obtenir notre belle contravention. Encore là aucune attention à nos besoins primaires : manger, avoir chaud, aller à la toilette, s’asseoir.

Y’a rien de plus pacifique qu’une manif à Québec croyez-moi!!! Il y avait des personnes âgées et 2 aveugles, 3 filles du secondaire, une femme qui avait mal au genou et en attente d’une opération.

Croyez-le ou non, cette femme a demandé au policiers d’être emmenée dans les premières pour pouvoir s’asseoir dans le bus-panier à salade et on le lui a été refusé car la procédure décidée aura été celle-là : identifier les hommes en premier… Finalement les policiers sont revenus à la raison (mouarf) et ont emmené la madame quelques temps après. BRAVOOOO!!! Même dans une manif féministe ils discriminent les femmes et les hommes. La bêtise n’a pas de bornes…

On était encerclés par les policiers, et avions autour de nous 3 cercles de bandes oranges et jaune, et à mesure que le groupe diminuait à la faveur des identifications au panier à salade, un policier nous encerclait d’un nouvelle bande, pour rétrécir l’espace… Criminels, nous? Dommage, pendant ce temps, les violeurs, les voleurs et autres couraient les rues…

Nous avons décidé de négocier avec le chef des opérations pour être libérés en échange d’un dispersement immédiat. Ceci nous a été refusé.

Or, de belles choses : ce qui m’a beaucoup touchée, c’est que les manifestants qui ont réussi à s’échapper de la souricière, sont restés autour du cordon policiers pour nous appuyer, et même rendu poste de police, en bas de la ville cette fois-ci, 3 ou 4 hres plus tard, ils étaient encore là avec de la bouffe à attendre la fin de la comédie…

La Charte des droits et libertés reconnaît le droit de manifester et elle prévaut sur le code de la sécurité routière, au motif duquel on a procédé à notre arrestation. La cession de notre manifestation constituait donc un abus de pouvoir honteux et inexcusable.

La répression de la liberté d’expression ne devrait pas avoir lieu dans une démocratie. Je regrette, nous ne sommes plus dans une démocratie. C’est passé par moi, je suis témoin de ce qui est arrivé, c’était injuste.

J’ai tout filmé. Heureusement on a encore le droit de filmer… Mais jusqu’à quand, que je me demande maintenant…

Dans le panier à salade, une manifestante a essayé de discuter avec un policier, dénonçant encore une fois l’injustice dont nous étions victimes. Celui-ci a osé répondre, candidement, « mais je ne comprends pas, nous n’avons pas été mesquins avec vous ». Je vous laisse juger de la portée de ce genre de paroles au vu de la Charte…

Mercredi soir j’étais dans la rue à Montréal, la marche était pacifique, nous étions 10 000 environ, nous avons été aspergés de gaz sans raison, sans autres raisons que par provocation et probablement avec le but de faire en sorte que le citoyen lambda tourne le dos à notre cause (qui est pourtant une cause collective) en permettant de biaiser encore une fois les grands titres des journaux. D’accord. Mais s’en prendre à 150 citoyens tranquilles, un après-midi à Québec? On n’a pas eu peur de l’absurde, et du ridicule, ici!

Ceci étant dit, je suis fière de m’être battue pour les générations futures, pour une meilleure redistribution des richesses, et j’espère que ce(s) dérapage(s) fera(ront) avancer la cause. J’espère que personne ne se privera de manifester, car je le crois, les policiers et leurs alliés, le gouvernement actuel, font une campagne de peur. Ils préfèreraient le bruissement de nos pantoufles dans nos chaumières plutôt que le bruit de nos pas sur la chaussée. Mais ce ne sera pas eux qui choisiront où nous poserons nos pieds! « La rue est à nous », notre avenir aussi, et nous l’écrivons collectivement, aujourd’hui.

« Féministes tant qu’il le faudra! » Manifestons notre indignation collective tant qu’il le faudra!

Marie-Andrée Boivin, Montréal, momentanément à Québec…

 

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