Le risque de prendre la parole

J’ai souvent pris la parole à titre de féministe. Que ce soit dans le cadre de mon travail ou comme blogueuse féministe dans mes temps libres, quand on m’invite à parler en public, je dis oui. Pas seulement parce que j’adore ça, mais aussi parce que je déplore qu’on n’entende pas assez les féministes de ma génération. Alors, comme on dit, faut que les bottines suivent les babines!

Une chose, cependant : on m’invite souvent en «territoire conquis ». Je ne prends pas grand risque en acceptant de parler à la « Slut Walk » d’Ottawa ou à animer la vigile du 6 décembre. Même lorsque je présente les services offerts par mon programme à un auditoire pas tout à fait conquis, on m’invite comme professionnelle et on me traite comme telle. J’avoue que je ne risque pas grand-chose. Et je me sentirais très à l’aise, devant une foule hostile, de simplement sacrer mon camp.

Or, depuis cet été, je prends la parole à tous les matins à une station de radio de l’Outaouais pour un auditoire tout sauf conquis d’avance. C’était justement l’idée : une féministe de gauche qui confronte chaque matin le chroniqueur vedette de droite. Le segment s’intitule, comme de raison, «  de gauche à droite ».  Dès ma première chronique, c’est ainsi qu’on m’a présentée : chers auditeurs, notre nouvelle collaboratrice : une féministe, souverainiste, de gauche. En une phrase, me voici en terrain miné.

J’ai assez rapidement compris que je patinais sur une glace mince. Si je m’emporte, si je me fâche, je  renforce un stéréotype déjà trop répandu. Je dois donc rester calme, zen, quel que soit le sujet, et tenter d’amener mon point de vue dans l’humour et la bonne humeur. Sinon, je risque de faire dire dans les chaumières « on sait ben… » et contribuer à perpétuer un mythe que je déplore : les féministes n’ont aucun sens de l’humour.

Le mandat n’est pas toujours évident : j’avoue que je n’ai pas un point de vue féministe sur tous les sujets encore moins une façon amusante de l’aborder. Je cours donc le double risque de desservir ma cause en en n’étant pas une bonne porte-parole (d’autant plus que le « mouvement féministe », si une telle chose existe, ne m’a pas élue!) mais aussi de m’aliéner l’auditoire.

Je dois dire, par contre, que quand je sors du studio fière de moi, quand j’ai servi à mes vis-à-vis un argument solide et convaincant, c’est un sentiment sans pareil.

Un risque qui en vaut la chandelle.

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