Pourquoi je n’accepte pas les excuses de Carl Monette

L’animateur de radio, Carl Monette, a présenté des excuses le 25 novembre pour des propos sexistes au sujet des femmes et du ménage. Après une suspension d’une journée imposée par son employeur, il a aussi choisi de faire un don de 500 dollars au YWCA de Québec.

Bien essayé, mon Carl, mais non. Pourquoi?

Parce que jamais, dans ce petit segment-repentir, Carl Monette ne prononce le mot femme pourtant celles visées par les « propos qui en ont offensé plusieurs ».

Parce que si on est d’accord que « l’affaire du lave-vaisselle [qui suce], aujourd’hui, en 2014, ç’a pas sa place », on se demande encore c’était en quelle année que ça l’avait, sa place, ou si ce n’est pas plutôt, vu de même, qu’il est encore un peu trop tôt pour en parler.

Parce que tu ne peux pas « l’échapper » (mais de quoi parle-t-il au juste? De son intelligence? Le problème, à la base, il est peut-être là, dans cette chose s’apparentant à un savon mouillé qu’il lui « arrive de temps en temps » d’« échapper »?) et t’en tirer en versant un chèque « en [t]on nom personnel » à un organisme dont tu ne cites pas la mission, comme si tu venais d’inventer le privilège d’insulteur-payeur : « Mettez-moi z’ en pour 10 000 piasses, ça devrait me durer l’année! »

Crédit photo: Slightly Amazing Grace https://www.flickr.com/photos/gracezilla/

Parce que Carl Monette n’a pas reconnu la bourde qu’il a commise en parlant de « louer » une femme de ménage, alors qu’il ne lui viendrait jamais à l’idée de « louer » un plombier ou un électricien qu’il ferait plus probablement venir tout simplement, alors que si on ne perd pas de vue que la femme de ménage, même si c’est une femme, c’est aussi une professionnelle qui vend un service, il y a peut-être moins de risque d’en parler comme si on trafiquait de l’humaine.

Parce que Carl Monette passe sous silence son commentaire pernicieux quant à sa déception de n’avoir été soigné que par des hommes lors d’un récent séjour à l’hôpital, ce qui vraisemblablement l’a forcé à considérer les infirmiers (des hommes indignes de confiance tellement ils font des choix de carrière douteux) comme des professionnels et non comme des objets sexuels, fantasme auquel sa carte d’hôpital lui donnerait vraisemblablement droit.

Parce que prétendre être d’accord avec le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes et ajouter dans le même souffle un « mais », ça ne donne pas davantage de poids à l’argument formulé ensuite, c’est juste foncièrement malhonnête.

Parce que sa coanimatrice Marie Saint-Laurent, elle, n’a pas été suspendue, tout comme elle n’a pas présenté d’excuses, même si c’est elle qui décrit la « chicks » à la une du Journal de Québec qui inspire leurs échanges comme une « frustrée », point Godwin de toute discussion sexiste, avant de se demander pourquoi la chasse, cette activité « viril[e] », n’a pas été incluse dans le sondage sur les tâches ménagères (je formule l’hypothèse que c’est parce qu’elle a de nos jours plus souvent lieu à l’épicerie que dans la savane et que finalement, c’est aux femmes que revient aussi la chasse…) et de questionner l’utilité des luttes féministes parce que « le pire » de l’enjeu sur le partage des tâches, c’est quand les femmes ne sortent pas de la maison quand vient le temps de pelleter, preuves – s’il en faut encore une – qu’être femme n’immunise personne contre le sexisme.

Parce qu’immédiatement après sa journée de suspension qui lui aurait permis de comprendre des choses au point de vouloir « repartir ça drette », là là, dans les secondes qui suivent directement le mea-culpa imprécis, Carl Monette dit de son coanimateur, affublé du gentil surnom Pee Wee, que c’est la « fille » de leur équipe, que dit-il?, la « fifille de l’équipe » parce qu’il a la fâcheuse habitude de se plaindre, mais que « c’est pas grave », il l’« aime quand même », ce collègue pas vraiment mâle finalement, vu que Carl a beaucoup réfléchi dernièrement sur les relations hommes-femmes.

Parce que je veux bien que la station CHOI Radio X fasse amende honorable et suspende un animateur pour des propos sexistes, mais ça serait peut-être bien aussi de se questionner sur le fait qu’à leur antenne en ce moment, une femme ne semble pas pouvoir espérer faire mieux que coanimer.

Parce que la station CHOI Radio X continue de présenter Carl Monette, comme « un modèle pour la société », « une inspiration pour nos jeunes » et « un artiste ben abstrait », ce qui, en plus d’être inquiétant, est insultant pour l’art, même abstrait.

Ça fait que, à la place des dirigeantes du YWCA de Québec, je refuserais l’argent. Pis cours toujours, mon Carl. Sur ce, je retourne à ma brassée de foncé en utilisant une technique apprise au fil des ans, à mon linge défendant. Parce que c’est simplement de même que ça s’apprend, le lavage.

Marie-Ève Maillé

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